Graphic novel made in US et la collection vertigo

Il est dans un premier temps important  de définir ce que j’entends par Graphic Novel. Ce que nous traduisons par Roman graphique en français fait généralement référence à des récit courts, sous forme de one shot ou de courtes séries de quelques tomes. Les thèmes abordés par ce type d’ouvrage: tout sauf du récit de super héros à la Marvel et la DC comic. Introspection parfaitement barrée, construction graphique hallucinante, les possibilités graphiques et scénaristiques sont multiples. Mais comme toujours dans la BD, comment s’y retrouver ? Que lire ? Petit tour d’horizon non exhaustif cela s’entends.

J’ai pris le parti de sélectionner 7 auteurs mais j’en oublie très clairement.

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Le premier à présenter entre tous est très clairement Robert Crumb, père de la bande dessinée. Crumb publie ses premiers,dessins à San Francisco en 1967 dans Zap Comix et fait alors parti des trublions de la BD underground américaine. Des personnages principaux sont Fritz the Cat Mr Natural ou encore Snoïd mais l’auteur a su accoucher d’une œuvre dépassant largement la bd et a influencé bon nombre d’artistes comme Janis Joplin pour qui il réalisera la pochette de l’album pour big brother and the holding company. Il refusera d’en faire une pour les Stones et subira les foudres de Greg, le père dAchile Talon quand il se verra descerné la grand prix de la ville d’Angoulême, je cite :

« Crumble, grand chantre de l’underground, était, avec Gilbert Shelton, le grand spécialiste en comic books de la piquouze hilarante, des volutes du shit, du sexe énorme et poilu, des mamelles colossales et du caca tous formats. Cela fit rire en son temps tous ceux qui voyaient là une revanche contre les parents, les flics, les maîtres, l’ordre établi, le bon goût, etc. Ce n’est pas nouveau. Seulement, il y a vingt ans que la vague est retombée. »

Une bien belle erreur d’appréciation.

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Impossible de dépasser à côté de Maus bien sûr. Seul Graphic Novel couronné du prix Pulitzer dans la catégorie prix spéciaux et citations, l’ouvrage de Spiegelmann retrace la persécution des juifs dans les années 30 et 40 et reste un monument de littérature sur la Shoah. Curieusement, cela reste à ce jour le titre majeur de l’auteur qui n’a pour le moment pas atteint une telle réussite avec ses autres ouvrages comme à l’Ombre des Deux Tours. Mais il reste bien sur un incontournable.

Charles Burns, Daniel Clowes, Adrian Tomine et Chester Brown sont trois auteurs sommité de la bande dessinée indépendante américaine.

Burns tout d’abord possède à lui seul un trait reconnaissable entre tous, ce qui lui vaut d’ailleurs d’être très régulièrement sollicité en dehors dit 9ème art pour des pochettes d’album et autres illustrations de presse. De grands aplats de noir pour dépeindre à sa manière une Amérique profonde, souvent inquiétante, à la beauté cruelle qui peut déranger son public mais d’aucun saura apprécier à sa juste valeur tant son travail sur Blackhole ou sur sa trilogie Toxic/La Ruche / Cavalera confère à l’hypnotique. Œuvre unique.
Toxic Charles Burns

Dans un registre plus léger le À ail d’airain de Tomine, japonais d’origine, n’est en aucun cas à exclure. Les ressorts dramatiques et souvent amoureux confèrent à l’auteur une maîtrise scénaristique hors pair contribuant à faire de ses récits des bijoux d’expressivité.

Daniel Clowes reste mon préféré je dois l’avouer. Un ton caustique, acide avec une one dose de vitriol quand cela est nécessaire : secouer et vous obtenez des chefs d’œuvre tels que Ghost World, David Boring ou le fabuleux Mr Wonderful. L’auteur s’est fait une spécialité pour donner, je cite, une « Représentation visuelle du désordre sentimental » dans bon nombre de ses œuvres comme David Boring quand ce n’est pas la difficulté à passer de l’adolescence à l’âge adulte, notamment dans Ghost World (ou Le rayon de la mort). Un auteur plus que majeur outre le fait qu’il n’ait toujours pas reçu le grand prix de la ville d’Angoulême qu’il mérite amplement.

A noter que Ghost World a été adapté au cinéma par Terry Zwigoff avec Steve Buscemi et Scarlett Johanson.

On doit aussi parler de Chester Brown et de son fabuleux 23 Prostituées. Deux ans après une rupture amoureuse difficile, l’auteur de « je ne t’ai jamais aimé » décide de contacter une call-girl. L’expérience est bien entendu tout à fait nouvelle pour lui. 22 partenaires s’en suivront et permettront à l’auteur de réaliser un document unique en son genre. Sans jamais faire l’apologie de la prostitution, Chester Brown fourni un regard des plus modernes et résolument humain sur le plus vieux métier du monde.

Building StoriesLe dernier auteur cité, et non des moindres est un génie du 9ème art. Son nom : Chris Ware.
Son dernier livre est là pour nous le confirmer. Une grosse boîte remplie de 14 livres aux formats toujours différents. L’histoire d’un immeuble, de ses occupants, celle d’une abeille vivant à proximité, des Strips muets, d’autres dont la lecture s’avère des plus ardues pour le néophyte de l’univers de Ware. Pourtant le résultat est toujours aussi étonnant et déroutant et prouve combien l’auteur est capable de repousser à chaque fois plus loin les limites du médium bande dessinée.

Ouvrage hors norme au format unique, impressions sous toutes leurs formes (ou impression sous toutes les formes), plans pour réaliser ses propres maquettes, pages phosphorescentes, multiples sens de lectures, Chris Ware joue avec le médium bande dessinée pour accoucher à chaque album d’une œuvre totalement unique. Chaque ovni créé regorge de trouvailles qui laisseront pantois n’importe quel lecteur. Dénonçant le consumérisme effréné, la médiocrité avérée (le personnage de Rusty Brown est un assez bon exemple sur ce sujet) ou la névrose d’un Jimmy Corrigan à la recherche de son père disparu, les thèmes abordés par l’auteur sont généralement emprunts de tristesse mais n’en demeurent pas moins tous réalisés avec un soin typographique tout particulier conférant à ces travaux une recherche de perfection hallucinante. Gare à l’éditeur arrangeur qui ne respectera pas à la lettre l’édition originale américaine ! Un génie qui sera sans nul doute inégalé.

Je terminerai par le plus grand des auteurs américains de bande dessinée de reportage, j’ai nommé Joe Sacco. On lui doit Palestine sur la première intifada, Gorazde sur le conflit en Bosnie Herzégovine ou encore le monumental Jours de destructions Jours de révolte, co-réalisé avec Chris Hedges lauréat du Pulitzer en 2002. Le journalisme en bd, c’est lui. Et que dire de l’incroyable Bataille de la Somme, immense leporello de près de 6m de long !! Un acteur incontournable, un de plus.

Je clôture ma présentation par une collection mythique au sein de la maison d’édition DC Comic, la collection Vertigo. Vertigo regroupe toutes les histoires du catalogue DC ne mettant pas en scène des super héros propres à la major (Green lanterne Superman Batman, justice league). Place donc au polar noir (100 Bullets) au récit d’anticipation (Y the last Man) au neo western et aux écrits frapadingues (Transmetropolitan, Preachear). L’éditeur a osé cette collection et c’est à saluer tant les histoires sont tout sauf mainstream. Je m’atarderais sur une en particulier: SCALPED, série terminée que j’ai pour le moment juste entamée. L’histoire se passe dans la réserve indienne fictive de Prairie Rose. Dashiel Bad Horse est de retour dans la réserve après 15 ans d’absence et ne manque pas de se faire remarquer par Red Crow le chef local. Il intègre donc sans difficulté la patouille tribale sorte de milice privée sensée faire respecter l’ordre dans une réserve gangrenée par l’alcool et la dope. Sauf que Dashiel est là pour une raison bien précise et agit sous couvert de son autre fonction: celle d’agent du FBI…

ScalpedOn a souvent parlé de séries ou de cinéma Bad Ass ces derniers temps. Force est de constater que cette série s’insère tout à fait là dedans. C’est brut de brut, ça sue, ça saigne, ça prend aux tripes comme un épisode de True Détective. C’est l’Amérique profonde et ses déboires qui sont mis en exergue. Scénaristiquement et graphiquement , c’est d’une maestria rare encensée à chaque préface par des scénaristes aussi illustres que Garth Ennis ou Grant Morisson. Bon il semblerait que le scénariste Jason Aaron n’ait pas sucé ce talent de son pouce, son cousin n’étant ni plus ni moins que Gustav Hasford l’auteur du « merdier » adapté sur grand écran sous le nom de Full Metal Jacket (comme quoi je ne dirai jamais assez à quel point la lecture des préfaces peut s’avérer utile) voilà un exemple de série coup de poing qui transpire la poussière et la misère à chaque page mais qui tient en haleine, une série avec Laquelle on a aucun répit. Bravo aux auteurs Aaron et Guerra pour avoir dépeint avec une telle force la réalité d’une société américaine en perte de repères, en proie à des démons qu’elle n’a encore eu jamais l’audace d’affronter. Une série d’une importance rare, une série de notre temps tout simplement.

Note de Damien :
L’occasion d’écouter, si vous ne l’avez pas déjà fait, le podcast #23 où Matthieu vous fait cette chronique avec sa douce voix.

2 Commentaires sur "Graphic novel made in US et la collection vertigo"

  1. Zarlox 25 février 2015 à 20 h 52 min - Reply

    C’est un vrai plaisir que de lire et entendre Mathieu pour le jeune amateur de BD que je suis. Toutefois, je vous recommande de relire l’article avant de le publier, il est bourré de fautes d’inattention ou liées à l’auto-correcteur, c’est un peu dommage.

  2. Damien 5 mars 2015 à 13 h 15 min - Reply

    Merci Zarlox pour ton commentaire.
    Je vais essayer de corriger au plus vite ces fautes !

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